Résumés des articles de "Recherches contemporaines" : n° 4, 1997

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RÉSUMÉS DES ARTICLES
EN FRANÇAIS ET EN ANGLAIS

Classement par ordre alphabétique d'auteurs
La traduction en anglais fut assurée par Paul Smith



Magali BLOCH
Justice et science au 19e siècle ou la difficile répression du crime d'empoisonnement.
Au 19e siècle, le crime d'empoisonnement semble resurgir. Crime de l'ombre souvent laissé impuni car difficile à détecter, associé à la sorcellerie et aux superstitions, il suscite une mobilisation des instances politiques judiciaires et scientifiques. Sa répression se heurte toutefois à l'impossibilité de définir le poison et à circonscrire les usages des substances vénéneuses diffusées largement. Face aux impasses et silences de la loi, la répression de ce crime est alors suspendue à l'expertise légale seule capable de fournir la preuve de l'empoisonnement. L'intervention de la science soulève alors deux enjeux principaux : premièrement, la toxicologie, science en devenir encore mise en défaut par la subtilité des poisons est prise entre le doute qui cautionne l'impunité des empoisonneurs et l'arrogance qui conduit à de graves erreurs judiciaires. Deuxièmement, les modalités d'introduction de la science dans le processus judiciaire risquent d'entraîner la conquête du prétoire par les médecins, supplantant de fait les instances judiciaires. La répression du crime d'empoisonnement montre l'ambiguïté de la place de la science dans la justice au 19e siècle, une science à la fois sollicitée par la société mais qui outrepasse ses prérogatives et s'impose comme arbitre social.
Justice and science in the nineteenth century: punishing poisoners
During the nineteenth century, the crime of poisoning seems to have increased. Associated with witchcraft and superstition, its was a shady crime, often going unpunished because of the difficulty of detecting it. Although it mobilised legal and scientific authorities, its repression remained problematic. It remained impossible to define poisons and to circumscribe the uses of toxic substances which were widely available. In the face of the silence and uncertainties of the law, repression depended on the only expertise capable of giving proof of poisoning. This intervention of scientific experts raised two main issues. Toxicology was a new field of scientific research, often caught out by the subtlety of poisons and hesitating between the doubt that would let the poisoners off and the arrogance which could lead to judicial error. Secondly, the way in which science thus entered the judicial process entailed a risk of doctors taking over the courtroom, supplanting legal authorities. The repression of the crime of poisoning shows up the ambiguous place of science in nineteenth-century justice, called upon by society but going beyond its prerogatives to act as a social arbiter.
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Sylvain COLAS
Un préfet de la Seine en voyage d'études : "Notes de Mr. de Rambuteau sur son voyage d'Angleterre, en octobre 1845."
Le préfet de la Seine et de la ville de Paris, Claude-Philibert Barthelot de Rambuteau, effectue un voyage d'études en Angleterre en octobre 1845. Il s'intéresse aux établissements publics de Londres, de Liverpool, de Birmingham, de Bristol et de Bath. Son étude décrit avec précision les prisons, les hôpitaux, les marchés ou les docks, et s'accompagne de nombreuses remarques sur l'urbanisme et la vie londonienne. Agronome progressiste et grand propriétaire, le comte de Rambuteau attache beaucoup d'importance aux parcs et aux jardins. Le premier magistrat municipal de la ville de Paris rencontre de hauts responsables de l'Etat et de l'aristocratie anglaise, et demeure à ce titre le représentant de la France, que l'on reçoit et que l'on fête. Ces notes de voyage du comte de Rambuteau sont inédites et ont été retrouvées dans la bibliothèque du château de Rambuteau. Elles révèlent un sens aigu de la précision et du détail chez l'ancien préfet, et apportent un témoignage intéressant sur l'Angleterre des années 1840.
A Prefect of the Seine on a study trip : "Rambuteau's notes on his voyage to England in October 1845."
Claude-Philibert Barthelot de Rambuteau was prefect of the Seine department and of the City of Paris during the July Monarchy. In October 1845 he went on a study trip to England, visiting public institutions in London, Liverpool, Birmingham, Bristol and Bath. His notes give precise descriptions of prisons, hospitals, markets and docks and are accompanied by remarks on London life and on town-planning. As a large landowner and progressive agronomist himself, Rambuteau was particularly interested in parks and gardens. As principal magistrate of the French capital, he was in contact with senior officials of the British state and members of the English aristocracy. He was received and feted as an official representative of France. The notes he made during this trip were discovered recently in the library of the Rambuteau chateau and have never been published. They reveal a remarkable eye for detail and offer an interesting vision of England in the 1840s.
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Cyril CARTAYRADE
Les dysfonctionnements du maintien de l'ordre au 19e siècle. L'exemple des commissaires de police du Puy-de-Dôme (1852-1908)
Au 19e siècle, l'exercice du maintien de l'ordre en France connaît de nombreux dysfonctionnements que dévoile une étude des commissaires de police à l'échelle du Puy-de-Dôme de 1852 à 1908. Les problèmes que rencontrent ces agents de l'ordre sont multiples : ambiguïté du statut, diversité des missions, « guerre des polices » et professionnalisation insuffisante. Conscients de ces obstacles, le Second Empire et la 3 République apportent des solutions identiques suivant le cas. Toutefois, les dysfonctionnements structurels demeurent car les mesures adoptées ne constituent pas une réforme globale de la police. Seule l'élite des commissaires (commissaires centraux et commissaires spéciaux) bénéficie des politiques de modernisation et de professionnalisation qui se limitent d'ailleurs à la bureaucratisation accrue des hommes et des missions.
Dysfunctions in the maintenance of order during the nineteenth century: the police inspectors of the Puy-de-Dôme between 1852 and 1908
During the nineteenth century, the maintenance of order in France was beset by numerous dysfunctions, brought to light by a study of police inspectors in the Puy-de-Dôme department between 1852 and 1908. These police agents are confronted with a host of problems: the ambiguity of their status, the diversity of their tasks, internal police wars , insufficient professionalisation. The regimes of the Second Empire and the Third Republic were aware of these problems and tended to bring identical solutions to them. But these solutions did not suffice. The structural problems remained since the measures adopted did not constitute a global reform of the police. Only the upper echelons of the inspectors, the central and special superintendents, benefited from modernisation policies and professionalisation, the results of which were increasing red tape for the men and their missions.

Mathieu FLONNEAU
Du profil de la rue à la forme de la ville, l'intégration parisienne du 18e arrondissement de 1860 à 1940.
Le parti-pris de myopie technique qui préside à cette étude d'histoire urbaine a révélé l'évolution, à partir de 1860, du cadre de vie quotidien des nouveaux Parisiens. Le relevé rue par rue des opérations de voirie accomplies a permis de prendre la mesure exacte des travaux haussmanniens et post-haussmanniens réalisés dans ces espaces nouvellement annexés à la capitale. Les transformations matérielles des chaussées attestent la dynamique unificatrice à l'œuvre dans la capitale et la continuité de l'activité des services techniques. De plus, des innovations techniques réelles ont été mises au jour, notamment pendant l'entre-deux-guerres, période pourtant réputé immobile.
L'entretien de la chaussée, le contrôle des voies privées et le désenclavement - auxquels le « village montmartrois » a été soumis au même titre que l'ensemble de l'arrondissement - peuvent dès lors mériter le nom de politique urbaine et être présentés comme exemplaires dans une agglomération où, en cette fin de siècle, subsistent des probèmes identitaires.
From street profiles to the shape of the city; how the 18th arrondissement was integrated into Paris between 1860 and 1940
The evolution of the daily environment of new Parisians, after the territorial annexion of 1860, is the subject of this study in urban history, which deliberately adopts a short-sighted, technical point of view. The street by street plotting of road-work operations gives a precise image of Haussmannian and post-Haussmannian initiatives in these districts, joined to the capital in 1860. The material transformation of the streets suggests unifying dynamics at work in the capital and bears witness to continuity in the activities of its technical departments. Several real technical innovations have also been brought to light, notably for the inter-war period, hitherto seen as one characterised by immobility in this domain.
Road maintenance, the control of private streets and the opening up of certain neighbourhoods throughout the arrondissement (including the village of Montmartre) may be seen as manifestations of an authentic urban policy, worth looking at as an example in an agglomeration where problems of identity still remain today.
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Geneviève MASSARD-GUILBAUD
Puanteurs, bruits et fumées. Les citadins auvergnats face aux nuisances industrielles, au 19e siècle
 Les services préfectoraux surveillant les établissements industriels insalubres et les Conseils d'hygiène et de salubrité ont laissé derrière eux des archives qui, complétées par les plaintes adressées spontanément aux autorités, nous permettent de mesurer comment les citadins du 19e siècle ont perçu et accepté les conséquences de l'industrialisation. Les plaintes contre les nuisances vont croissant au fil du siècle. Elles concernent toutes les couches de la société et leur contenu évolue avec le temps. Tant que règne la théorie des miasmes, c'est l'odeur qui vient en tête du palmarès des plaintes, mais la gamme des nuisances incriminées s'élargit au fur et à mesure que l'on avance dans le siècle. Le bruit, notamment, devient de plus en plus illégitime. L'analyse de l'argumentation mise en œuvre par les plaignants met surtout en valeur le préjudice à la propriété privée, le seul motif reconnu par la justice, mais on voit néanmoins se développer la revendication d'une politique d'hygiène publique, protégeant la santé et le bien-être des citoyens. Ces plaintes témoignent aussi de l'inexistence du concept d'environnement. Ce n'est pas la nuisance qui est en cause mais le fait qu'elle se produise chez soi. Ni l'industrie ni la ville ne sont au demeurant mises directement en cause.
Stench, noise and smoke : city-dwellers in the Auvergne during the nineteenth century and their reactions to industrial nuisance
The surveillance if insalubrious industrial concerns by the Prefectoral authorities in each department, the archives of local Councils of hygiene and salubrity and the traces of complaints spontaneously addressed to such authorities allow for an examination of how nineteenth-century city-dwellers perceived and accepted the consequences of industrialisation. The complaints increased in number as the century advanced. They came from all strata of society, their nature evolving over time. For as long as the theory of miasma held sway, bad smells were the leading cause of complaint, but the range of nuisances complained about broadened as the years went by. Noise, in particular, was less and less readily accepted. The analysis of the complaints lodged underlines the prejudices suffered by private property, the only motive for action recognised by law. But at the same time it is possible to detect the emergence of a demand for policies of public hygiene to protect the health and well-being of citizens. The complaints also show the absence of any broader concept of environment. The nuisance as such is not contested, only the fact that it comes from next door. Neither industrialisation nor urbanisation are directly criticised.
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Stéphanie SAMSON
Une usine à guérir. Le nouvel hôpital Beaujon de Clichy
Avec l'ouverture de l'hôpital Beaujon à Clichy en 1935, l'Assistance publique de Paris tourne une page de son histoire. Beaujon est le premier hôpital d'Europe à prendre en compte l'ensemble des transformations qui ont affecté le monde de la santé dans l'entre-deux-guerres. Repoussant les conceptions charitables du passé, ses concepteurs imposent une nouvelle image du monde hospitalier. La formule architecturale adoptée, le gratte-ciel à l'américaine, rend aussitôt obsolète la traditionnelle structure pavillonnaire. De nouvelles notions venues du monde industriel font leur entrée dans l'hôpital. L'idée de gagner du temps et de l'argent par la rationalisation des circulations, de l'organisation interne du bâtiment, la multiplication des machines, l'importance accordée au confort du malade, en font le premier des hôpitaux contemporains.
A healing factory: the new Beaujon hospital at Clichy
When the new Beaujon hospital opened at Clichy in 1935, it started a new chapter in French public health history. It was the first hospital in Europe to integrate all the transformations which medicine had witnessed in the inter-war period. Its designers created a new image for the hospital world, rejecting old images of the hospital as a charitable institution. Its architectural design, inspired by American sky-scraper buildings, made the traditional, pavilion-style conception of hospitals obsolete. New industrial ideas also found their way into the design. The rationalisation of circulations, saving time and reducing expenses, the internal organisation of the building, the multiplication of machines and the new attention given to patient comfort all make Beaujon one of the first contemporary hospitals in France.
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Mis à jour le 26 janvier 2007